Un soldat sur la guerre

« (…) un cheval avait été projeté les quatre fers en l’air, étant coincé entre les deux poteaux mais vivant. Il donnait des ruades pour essayer de se relever. De temps en temps, je sentais le poil de sa queue me retomber sur la tête. »

Homme enchaînéUn médecin parisien a fait parvenir à Traces le récit de guerre d’un soldat français de la deuxième guerre mondiale. Un document inédit, d’intérêt historique et de valeur humaine. Prisonnier en 1940, ce soldat raconte avec des mots simples, mais parfois expressifs, sa déportation en Allemagne, ce qu’il a vu, une fois libéré, derrière les lignes soviétiques en Lituanie, enfin, son retour en France. Vu le caractère exceptionnel du texte, on en propose ici de longs extraits. En commençant par le récit de la dernière bataille avant la captivité.

Nous avons laissé l’introduction et les annotations au texte faites par notre correspondant (en couleur verte).


Ce texte, que j’ai photocopié avec son accord, m’a été montré par l’un de mes patients, il y a maintenant 40 ans. Il s’agissait d’un petit monsieur, vivant seul, dans un rez de chaussée à Vanves, invalide et atteint de nombreuses pathologies, y compris du fait de ses années de captivité. Sans aucun doute, c’est le seul texte que ce monsieur aura jamais écrit de sa vie. Et C’EST sa vie. J’en ai corrigé quelques fautes, restauré une ponctuation absente et séparé les paragraphes, mais seulement pour le rendre plus aisément lisible. La syntaxe est respectée…chaque fois que possible. J’ai parfois dû rajouter des mots manquants: (…), restituer les noms de lieux (pas tous retrouvés) ou donner des corrections ou des précisions. Ce texte me semble résumer assez bien ce qu’a pu être cette guerre pour quelques dizaines de millions de “petites gens”, à l’œil finalement assez aigu pour “tout” voir, mais à leur façon. Le témoignage d’un simple quidam, qui a été témoin d’événements majeurs à son insu, étant présent par le plus grand des hasards à l’endroit et au moment où se produisaient des événements qui allaient marquer notre Histoire. Un “journal du soldat” sans doute peu fréquent.


« 14 mai 1940. A la sortie de Monsageon, Aisne, à environ 1 km. (Il s’agit probablement de Mont Saint Jean, à la limite des Ardennes. Il se dirige donc vers le sud, c’est à dire qu’il fuit le front, qui a été percé. Ce régiment était stationné dans la ligne Maginot).

« Tout le long de la route, ce n’est que des cadavres et des débris de matériel plein les fossés dont les arbres ont été coupés au ras du sol et sur un, je vois un commandant de chasseurs à pied qui casse la croûte et pleure en nous voyant prendre la direction de Bruhamel (sans doute Brunehamel) où nous ignorions que nous allions nous trouver devant plusieurs centaines de chars et automitrailleuses. “Pauvres pionniers avec pour simple défense des Lebel et quelques fusils mitrailleurs modèle 1916 modifié”.

« A l’entrée de Bruhamel, je me trouvais en tête de la colonne comme infirmier, en face la rue transversale. Une ficelle de lieuse était tendue pour barrer la route.

« Aussitôt, de la maison abritée derrière ce mur de 2 mètres à gauche de la rue, une fusillade très nourrie éclate après avoir fait la sommation « français, rendez-vous ou nous ouvrons le feu », auquel répondent les pionniers du 460 ainsi qu’un régiment d’algériens qui comme nous faisait le sauve-qui-peut (il peut s’agir de spahis ou de tirailleurs). Un canon anti-char fut mis en batterie ainsi qu’un canon de 75 mais hélas, il n’y avait que 10 obus pour le canon anti-char et pas du tout pour le canon de 75 et ces dix obus anti-chars ont servi à détruire 4 tanks plus un camion de munitions qui suivait les chars.

« Devant le manque de munitions, les chars allemands sortent des rues transversales de la Mairie en tirant au canon et à la mitrailleuse. Etant sans défense, ce fut un vrai carnage.

« Moi-même, je me suis couché dans le fossé de gauche et en face de moi entre deux poteaux téléphoniques, un cheval avait été projeté les quatre fers en l’air, étant coincé entre les deux poteaux mais vivant. Il donnait des ruades pour essayer de se relever. De temps en temps, je sentais le poil de sa queue me retomber sur la tête.

« A quelques mètres au milieu de la route se trouvait une charrette chargée de pelles et de pioches attelée de deux chevaux. Comme c’était un obstacle à la progression des tanks, un tank s’est mis à gravir par le milieu de la charrette qui s’est aplatie comme une feuille à cigarette. Les chenilles d’un autre tank sont passées sur les deux chevaux, ce qui les a complètement coupés en deux comme un rasoir. Le sang coulait jusque sur ma capote, étant couché dans le fossé à quelques mètres d’eux.

« Derrière les chars d’attaque qui progressaient vers Monsageon, il y avait l’infanterie qui faisait le nettoyage. C’est-à-dire (que) tout ceux qui pouvaient marcher prenaient la direction de la Mairie par la rue transversale et tout cela sous les balles et les huées des allemands qui étaient aux trois quart saouls. Le premier que j’ai vu de près, sa première parole fut « chouanerie françouse » (schweinehund, plutôt?), cochon de français. Mais en même temps (il) me coupait les bretelles des musettes que je portais et les mettait toutes en tas, me fouillait, me prenait ce qui lui plaisait et me donnait l’ordre de suivre mes camarades à la Place de la Mairie.

« Grande fut ma surprise en y arrivant. Tout était plein de soldats comme moi, là depuis la veille. Là, nous nous sommes regroupés par régiments et sur notre compagnie, sur 222, à l’arrivée à Bruhamel, nous ne (nous) sommes retrouvés que 33 et ceci en l’espace d’une heure. » (Ce qui ne signifie pas que tous les autres ont été tués : beaucoup ont pu s’échapper avant d’être pris).

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« Pour mon compte, j’avais une paire de chaussures un peu étroites. Dès le lendemain je n’ai jamais pu les remettre tant j’avais les pieds enflés. C’est un camarade qui m’a donné une paire de ses savates en corde qui du reste ne m’ont jamais quitté jusqu’à ma triste arrivée au Stalag 1B (abréviation de Stammlager: camp ordinaire ; le Stalag 1B a accueilli environ 650 000 prisonniers en 4 ans, dont 55 000 y sont morts) à Holenstein (en fait: Hohenstein, en Prusse Orientale ; aujourd’hui Olsztynek, en Pologne).

« Il nous fallait marcher nuit et jour sans manger et rien à boire que quelques flaques d’eau dans les ruisseaux, toute boueuse. Une nuit, à huit, nous avons voulu nous reposer à côté de la route dans un petit bosquet un peu avant Rosoy (Rocroi ?), mais dix minutes ne s’étaient pas écoulées que les chiens nous faisaient sortir à coups de crocs.

« Il nous fallut reprendre la route jusqu’à Rosoy accompagnés par les coups de crosses des gardiens. Malheur à celui qui était en queue de colonne car ne pouvant suivre, il était sûr d’avoir le coup du lapin c’est-à- dire une balle dans la nuque, ce qui arrivait très souvent.

« Tant bien que mal, je suis arrivé avec la colonne jusqu’à Charleville (-Mézières, dans les Ardennes), mais avant, nous avons traversé Liard (Liart, dans la forêt des Ardennes) où une bataille venait de se dérouler (En fait, il s’est trouvé exactement dans la zone où les combats ont été les plus féroces et les plus longs, là où un certain colonel De Gaulle s’était illustré par sa résistance. C’est la bataille dite de Montcorne).

« Tout y était rasé : la gare, etc. Mais hélas beaucoup de cadavres étaient encore sur le terrain tout au bord des routes. Des civils les relevaient en les portant dans des couvertures, c’était leur seul linceul.

« Je me souviens d’avoir vu un cadavre et sur sa poitrine sa plaque militaire au nom de Rollin, Clermont-Ferrand. »

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« De là nous sommes passés à Gespronsard (Gespunsart, à la frontière), le dernier pays de France. Après, c’est la Belgique et j’ai trouvé un litre à bière vide avec bouchon automatique. J’ai pris les bretelles d’une musette à gaz et chaque fois que je trouvais de l’eau, j’en remplissais cette bouteille que je n’ai jamais quittée jusqu’à mon arrivée au camp d’aviation comme forte tête de Rosken (Roskenheim, en Prusse orientale ?). C’est peut-être cette réserve d’eau qui m’a sauvé l’existence car je n’en buvais qu’une gorgée à la fois.

« Traversons Gespronsard pour arriver à Bouillon où nous passons la nuit sur un terrain plat où se trouvait une gare de petit train, mais il n’y avait que quelques wagons. La colonne s’est reposée comme elle a pu. Moi, je me suis allongé sous un wagon car il pleuvait cette nuit-là.

« Réveil à 5h, départ en direction de Neuchateau (c’est Neufchateau) mais dans la traversée de Bouillon pour traverser la Semois (c’est le nom de la rivière qui traverse Bouillon), les ponts étant sautés, il fallait passer à la file indienne sur des passerelles, ce qui nous a fait attendre plusieurs heures sur les bas-côtés de la route.

« Une petite femme belge âgée d’au moins 70 ans faisait les distributions de quelques morceaux de pain qu’elle avait dissimulés dans sa banette, c’est-à-dire un grand tablier mais malheu­reu­sement un gardien l’avait aperçue et s’étant approché d’elle lui demande ce qu’elle faisait avec les prisonniers. Devant le refus de la pauvre femme, il l’empoigne par les cheveux et les jambes et par dessus le bord de la Semois, l’envoie dans l’eau à cet endroit.

« Je ne sais pas la suite de ce qu’il en advint car mon tour était arrivé de passer la Semois pour Neuchateau que nous traversons sous l’œil des civils qui n’ont rien à manger non plus et ne peuvent rien faire pour nous. »

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« Enfin, le lendemain, nous arrivons à Trèves. Débarquement d’où l’on nous conduit à coups de crosses jusqu’au camp qui se trouve tout en haut d’une colline.

« En plein midi, la montée est rude, surtout pour nous vu notre état de faiblesse extrême. Nous sommes mis dans des baraques par 200 mais là, la Providence me suivait.

« A l’endroit où je me trouvais dans la baraque, je remarquais une planche pas clouée comme les autres. Je la soulève avec la pointe d’un couteau.

« Quelle ne fut pas ma surprise d’y trouver plein de grains de maïs. J’en ai empli toutes mes poches et de temps en temps, j’en mettais quelques grains dans ma bouche puis j’attendais qu’ils soient bien gonflés et je les croquais. La faim, c’est terrible. »

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« Nous avons voyagé à 80 par wagon à bestiaux pendant cinq nuits et quatre jours complets, portes cadenassées et avec de temps en temps l’écho d’arrivée de cailloux sur les wagons. C’est ainsi qu’en passant à la gare de Köpenik à côte de Berlin, un camarade a reçu une balle de revolver dans les reins et en est mort deux jours après son arrivée au camp du Stalag 1B à Hohenstein.

« Nous arrivons à la petite gare d’Hohenstein le 29 mai vers midi. Sur le quai, il y avait tous les mètres un gardien avec un gros gourdin pour faire activer la descente. Et le départ pour le camp très rapidement. Malheur à celui qui ne pouvait pas suivre: il était voué à une mort certaine.

« D’ailleurs, à l’arrivée de chaque convoi, il y avait toujours un grand tombereau spécial pour emmener les morts directement au cimetière et ces mêmes tombereaux servaient à passer dans les îlots des camps pour ramasser les cadavres de la nuit.

« De la gare, nous allons directement au camp, distant de 2 kilomètres (ancienne route). Je fus affecté dans le groupe d’îlots N° 13-14-15-16 à la baraque 14. Alors commença notre vrai calvaire de « gefang » (krieg-gefang: prisonnier de guerre). »

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« Le 31 juillet, avec une trentaine de camarades, je fus désigné pour changer. On m’embarqua pour aller à Lyck (en Prusse Orientale, aujourd’hui en Pologne: Elk), à côté de la frontière polonaise. On me plaça dans une fermette où il y avait deux chevaux, deux vaches et le patron, maréchal ferrant. Le soir, on rentrait coucher au laguer (lager: camp).

« Nous avions la visite du gardien tous les jours mais nous n’en avions plus pour nous garder. Le patron où j’étais placé avait fait la guerre 14-18. Il n’était pas costaud, d’ailleurs. Heureusement, car à la forge il m’aurait fait crever, moi qui n’avais jamais fait … Il est mort six mois après. La forge fut fermée et je pouvais faire le petit boulot des camps moi seul, tranquille. (Voir ou revoir le film « La vache et le prisonnier»).

« Dans cette famille, il y avait une fille et quatre garçons : deux soldats d’ailleurs très chics, un de 4 ans, mais le 3è, de 14, un vrai hitlérien qui voulait me commander. Ma foi, nous n’étions jamais d’accord. La patronne aurait bien voulu me faire traire les deux vaches, mais comme j’en avais peur, je ne l’ai jamais fait. Ce qui m’évitait d’y retourner le dimanche soir, ce qui fait qu’à partir de 13h , j’étais libre jusqu’au lendemain 6h alors que tous mes copains étaient obligés d’y aller le soir.

« Moi, j’allais à la pêche en fraude et je changeais le poisson pour du tabac ou des cigarettes. »

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« J’y suis resté jusqu’à l’alerte de l’arrivée des russes. Pour Noël 44 (43, probablement), ma patronne me fait remarquer qu’il n’était pas tombé de neige et me dit « kein schein, Deutschland kaput », (en fait: keine schnee: pas de neige), ce qui veut dire « il n’est pas tombé de neige à Noël, l’Allemagne est vaincue ». Ce qui fut vrai par la suite.

« Le 8 janvier 44, ordre est donné de préparer les chariots et traîneaux en vue d’une émigration prochaine. Je vais donc chercher des plaques de contreplaqué à Lyck et j’en fais un toit en les mettant en arc en ciel (de cercle ?) sur le chariot. Mais déjà, les russes ne sont pas loin. Toutes les nuits, les avions nous bombardent et même en plein jour. Ce n’est pas prudent de rester en ville. Un jour, me trouvant à la gare de Lyck pour y conduire un cochon, un avion nous a mitraillés en rase-mottes et avec des roquettes. Il y a eu au moins 25 victimes dont deux prisonniers français tués sur le coup. » (À noter que la date et le lieu correspondent aux raids des aviateurs français de l’escadrille Normandie-Niemen…)

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« Traversons une grande forêt qui est déjà dépassée par les russes. À la sortie, nous nous trouvons complètement dans la ligne de feu à Beschften (Bischofstein, à mi-chemin de Kalinigrad. Aujourd’hui Bisztynek) le 29 janvier 44. Impossible d’aller plus loin, c’est aller à la mort. Ce ne sont que des tanks qui brûlent ainsi que les maisons et des tas de cadavres surtout civils, les uns sur les autres tout le long de la route. Voyant une petite maison, je me dirige dedans avec le chariot et dis à ma patronne « voilà les guides des chevaux. Moi, je reste là ». À peine un quart d’heure après, il y avait plus de 50 personnes dans cette maison. Il en venait de partout : des polonais, des russes, des italiens, tous des déportés ou prisonniers comme nous. Cela n’avait pas ralenti la bataille car dans Bischofstein, il y avait un régiment d’artillerie boche qui tirait toujours. Il a fallu que les tanks nous mettent tout à feu et à sang pour en venir à bout, ce qui demanda 24h.

« Je vois pour la première fois un russe de l’armée qui se présente dans la cour avec sa « boîte à camembert » ou mitraillette (c’est le PPSh-41). Son premier travail est de faire sortir tout le monde, de les mettre sur un rang, y compris nous car nous nous étions retrouvés quatre français. Il n’y a que les ukrainiens qui sont restés. Quand il m’a vu, il m’a empoigné par le bouc et m’a couché dans la neige. Ouvre sa boîte à camembert et m’applique le canon sur le ventre. Par bonheur pour moi, une ukrainienne s’est jetée entre nous deux et lui a expliqué ce que nous étions. Il est redevenu calme, nous a fouillés et gardé nos plaques de prisonniers de guerre qu’il a mises dans sa poche.

« Mais tous les civils allemands furent tous fusillés en cinq minutes. La neige était rouge autour du tas de cadavres, grands comme petits, tout y a passé. (L’accord passé avec les alliés, entre Churchill et Staline notamment, faisait que la Prusse Orientale devait devenir polonaise à la fin de la guerre. Il était donc impératif de chasser -ou d’exterminer- tous les allemands de cette province, comme de la future enclave de Kaliningrad avant l’armistice. Ce qui fut fait).

« Deux heures après, un lieutenant-seigneur (starchïy leïtenant: lieutenant-senior) car dans l’armée russe, il y a trois grades de lieutenant, nous dit en français « il faut prendre cette route, vous grouper et n’y marcher que le jour et jamais la nuit, autrement vous seriez abattus ». Alors, pour nous, commence une deuxième retraite, cette fois en allant sur la Lituanie (vers le nord), qui a duré du 29 janvier 44 au 22 février 44, qui fut très dure, surtout pour la faim et en même temps, c’était le dégel. De la vraie gadoue. »

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« Quelques jours après, nous arrivons à Goldap où s’était déclenchée la grande attaque russe. C’était un vrai carnage, il fallait prendre les champs, les routes étant minées, et escalader les cadavres.

« C’est à partir de là que j’ai vu, ainsi que mes camarades, les orgies commises par la guerre: les premières femmes avec les jupes relevées sur la tête, les jambes très écartées laissant voir toute leur nudité. Il n’ y avait pas de doute qu’elles avaient été violées, car sur certaines, on voyait encore le sperme congelé dans les poils. Et comme remerciement, une balle dans la nuque.

« Et cela était chose très courante. Quand aux hommes, en partie des vieillards, ils étaient déculottés et la verge soit coupée ou fendue ou même les parties et laissés sur place, le tout congelé. » (L’avancée des troupes soviétiques: officiers russes et troupes asiatiques, a donné lieu à d’innombrables crimes de guerre, les premiers répertoriés durant ce conflit. Une explication au laissez-faire officiellement toléré durant des semaines a été la volonté de revanche. En fait, il s’agissait d’une décision politique).

 {…}

« Nous continuons notre retraite en voyant toujours les mêmes tableaux. Horreurs de la guerre. De Rastenburg (Ketrzyn) jusqu’à Mihounen (en Lituanie, non retrouvée), les routes que nous prenons ne sont que de simples chemins de sable bordés quelquefois par des saules mais hélas toujours le même spectacle des horreurs de la guerre qui ne se termine pas car, dans les fossés, par place, les cadavres sont les uns sur les autres. (Les lituaniens affirment que tous les allemands, entre autres, rattrapés par les troupes soviétiques ont été abattus sur place). À notre arrivée à Mihounen, nous sommes parqués dans une grange à tous vents sans paille, mais pour la première fois, nous touchons des russes des tibias et des têtes de vaches que l’on fait cuire avec les planches prises d’un hangar avoisinant. Ça fait un peu de jus gras, mais de viande, point. Quelques jours après, nous touchons du millet décortiqué. C’était la première fois que j’en voyais. Ma foi, bien cuit, ça remplace l’orge perlé des boches. Nous y restons huit jours.

« De là, nous partons pour Gumbinnen (Goussev ou Gusev aujourd’hui, dans l’enclave de Kaliningrad). Les ponts étant sautés, nous nous sommes tapé 72 km pour faire 12 km en ligne droite en deux jours. À notre arrivée à Gumbinnen, nous sommes logés dans des casernes boches mais tellement serrés qu’il nous est impossible de se coucher sur le dos. Il faut se mettre de côté l’un contre l’autre. Et toujours rien à manger avant deux jours. Le repas au bout des deux jours consiste en sauté fait avec les têtes et les panses des animaux abattus, car la viande était réservée pour l’armée, et pour nous le reste. Mais à Gumbinnen, il nous fallait travailler, soit sur les rails ou enterrer les cadavres, humains comme bestiaux, car il y avait beaucoup de bétail mort dans les prairies et déjà au mois de mars, ça ne sentait pas la rose. D’autres allaient récupérer le mobilier dans les maisons encore debout. Mais fallait prendre d’abord des pelles et des tinettes car tous les rez de chaussée avaient servi de WC à la troupe russe et comme le papier chez eux est inconnu, c’est avec des paquets de paille qu’ils se torchent le derrière, ce qui fait un vrai tas de fumier qui sent son goût.

« Le 25 juin, l’on nous réunit sur le terrain face au moulin à côté du puits artésien. Tout le bloc N°3 où un général russe nous fait un discours nous retraçant tous les liens amicaux datant de la Révolution de 1789 et de la Commune de Paris en 1870, espérant que nous n’oublierons pas le bon accueil reçu par eux dès notre retour en France (quel bon accueil ?). Et musique en tête, nous traversons les ruines de Gumbinnen pour embarquer le cœur joyeux d’espoir de revoir la France. »

{…}

« C’était le 4 juillet 45. Nous passons à côté de Brest-Litovsk. De Varsovie, où tout est complètement rasé, pas un mur debout et tout le long de la voie, nous voyons des trains entiers renversés dans les fossés. Cela pour l’écartement des voies. Les voies russes étant plus larges, ces wagons ne pouvaient plus se servir de ces voies.

« Mais par endroits, nous voyons encore des cadavres non ensevelis, mais chose curieuse, ayant été congelés, qui se sont vidés tout doucement: il n’y reste plus que la peau et les os et les habits. Ils s’étaient complètement vidés de tout liquide. À Varsovie, nous commençons à voir les premiers civils rentrés chez eux, dans des espèces de huttes qu’ils s’étaient fabriqués pour s’abriter car il n’y avait plus une seule maison debout. Mais à chaque arrêt de train, des centaines de personnes se présentent avec toutes sortes de choses pour faire du commerce. »

{…}

« De là, nous sommes emmenés à Habursdorf (Werlaburgdorf, plutôt) où nous sommes remis aux anglais en échange de déportés russes. (Les déportés russes, faits prisonniers au combat, considérés comme « déserteurs » et supposément traîtres par Staline, ont pour beaucoup rejoint le goulag sans même descendre du train…). Nous sommes dans une baraque où furent logés des prisonniers français travaillant à la mine à ciel ouvert de « grün kolen » c’est à dire à du charbon jeune (« grün kohle »: le lignite?), qui n’est pas encore fait, mais à ciel ouvert.

« Ces baraques sont isolées par des barbelés de 2 mètres de haut et entre chaque baraque, une grande épitaphe disant ceci « tout prisonnier étant surpris dans les barbelés sera fusillé sans avertissement ».

« Dans la baraque à côté de la nôtre, ce n’est que des femmes ou filles qui ont suivi l’armée allemande dans leur retraite. (Sans doute un certain nombre de françaises parmi elles…). Et parmi elles, il y a l’air d’y avoir de jolis tableaux car leur langage n’est pas très honorifique pour elles. Au bout de trois jours, on nous fait monter la côte qui nous fait monter à la mine. Et là, nous embarquons dans des wagons à bestiaux, mais quelle ne fut pas notre surprise de voir que les deux derniers wagons étaient réservés pour ces dames. Mais devant l’attitude de tous les prisonniers français, les anglais les ont ramenées au camp. Je ne sais pas ce qu’il en est advenu. » (Ces femmes que les anglais voulaient rapatrier en même temps que les prisonniers français étaient françaises et belges : emmenées dans le paquetage de soldats de la Werhmacht dont elles étaient le couple, elles en avaient été séparées, de force la plupart du temps,  et avaient un statut de « prisonnières »).

{…}

« Finalement, après un petit casse-croûte, nous embarquons de nouveau, cette fois pour Paris. À 22h le soir, nous touchons du bouillon Kub à Saint-Quentin et arrivons à la Gare du Nord à 5h du matin. À la descente du train, nous passons dans une haie de gardes mobiles. À la sortie, des autobus nous ont conduits à la caserne de Reuilly. Le premier guichet que je fais en montrant mes papiers, on me déclare « Va t’en, tu es de la Seine. Tu es arrivé ». (Le département de la Seine n’a été démembré qu’en 1968). Je reprends mes musettes, je sors dehors, me dirigeant vers le métro Reuilly que je prends pour rentrer à Vanves par Petits Ménages (la station de métro « Corentin Celton », de nos jours, à Issy les Moulineaux). Au portillon, le préposé me dit « Monte en première, tu auras de la place ». Ce que je fis, mais quelle ne fut pas ma surprise en voyant tous les voyageurs s’écarter de moi. J’en entendis une chuchoter « Qu’est-ce qu’il doit avoir comme poux ».

« Je tiens à signaler qu’en effet, je n’étais pas très beau car depuis ma capture, je ne m’étais pas rasé. Donc, j’avais un bouc bien noir d’au moins 40 cm et des moustaches blondes « à la Guillaume », jusqu’aux oreilles. Comme habits, j’avais une culotte kaki avec le bas des jambes bleu horizon, la veste kaki, bleu et gris russe, le tout étant fait de pièces, et une capote kaki, un calot « popov ». Voyez d’ici la tenue un peu romanesque.

« Enfin, à 6h30, je me présente chez moi, mais comme au premier de la rue Normande, ma femme y habitant seule, je trouve la porte fermée, impossible de rentrer.

« Je monte la rue Normande où je reconnais Mr Durot, celui qui tenait le café avant guerre où je bois un bon rhum pour me remettre de mes émotions. Je vais pour aller voir ma sœur, qui habite au 11 de la même rue, mais le cœur bien gros. Ceux qui viennent m’ouvrir, ce sont des nouveaux locataires. Pendant la guerre, ils avaient déménagé.

« Je retourne au café où Mr Durot va prévenir ma sœur qui, me voyant, a refusé de m’embrasser tant j’étais laid avec cette barbe. Tout de même, avec des petits cailloux dans la fenêtre, ils ont réveillé ma femme, qui est venue me chercher, qui aussi a refusé de m’embrasser, mais moins d’une heure après, tout était net après la coupe aux ciseaux. Le rasoir a fait peau neuve.

« La vie recommence. »

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Klemperer sur la langue nazie

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« Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. (…). »

Victor Klemperer, philologue, a analysé l’essor sous le nazisme d’une langue particulière qu’il a nommée LTI (Lingua Tertii Imperii). Une langue corrompue, terreau des convictions et de la pensée nazies. Il note dans ces citations la relation qui s’y est établie entre les mots « héroïque » et « fanatique ». A propos des conditions dramatiques dans lesquelles Klemperer a mené cette recherche, voir « Klemperer sur le balancier« .

Voir aussi, Ozouf sur l’insulte, Boucheron et Riboulet sur attentats et oubli, Ortega y Gasset sur la dégradation de la langue.

« Le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. On a coutume de prendre ce discours de Shiller, qui parle de la langue cultivée qui poétise et pense à ta place, dans un sens purement esthétique et, pour ainsi dire, anodin. Un vers réussi, dans une langue cultivée, ne prouve en rien la force poétique de celui qui l’a trouvé ; il n’est pas difficile dans une langue éminemment cultivée, de se donner l’air d’un poète et d’un penseur.

« Mais la langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d’autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Et qu’arriverait-il si cette langue cultivée est constituée d’éléments toxiques ou si l’on en a fait le vecteur de substances toxiques ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. Si quelqu’un, au lieu d’héroïque et vertueux, dit pendant assez longtemps fanatique, il finira par croire qu’un fanatique est un héros vertueux et que, sans fanatisme, on ne peut pas être un héros (…) Le Troisième Reich n’a forgé, de son propre cru, qu’un très petit nombre des mots de sa langue (…). La langue nazie renvoie pour beaucoup à des apports étrangers et, pour le reste, emprunte la plupart du temps aux Allemands d’avant Hitler. Mais elle change la valeur des mots et leur fréquence, elle transforme en bien général ce que jadis appartenait à un seul individu ou à un groupuscule, elle réquisitionne pour le parti ce qui, jadis, était le bien général et, ce faisant, elle imprègne les mots et les formes syntaxiques de son poison, elle assujettit la langue à son terrible système, elle gagne avec la langue son moyen de propagande le plus puissant, le plus public et le plus secret. » (p.40-41)

« Et jamais au grand jamais (…) le mot fanatisme (avec son adjectif) n’a été aussi central et, dans un total renversement de valeurs, aussi fréquemment employé que pendant les douze années du Troisième Reich. » (p.50)

Source : Victor Klemperer, LTI, langue du IIIè Reich, Pocket, 2013. Pages 33 et 34.

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Klemperer sur le balancier

Sculture sur barreaux

« Mon journal était dans ces années-là, à tout moment, le balancier sans lequel je serais cent fois tombé. »

Philologue expulsé de sa chaire par les nazis, interdit de publication, exclu des bibliothèques, interdit de lecture d’ouvrages allemands, privé ainsi des mots, Victor Klemperer survécut à l’épreuve grâce à une réflexion intime et clandestine sur la langue nazie. Confiné dans une maison pour juifs conjoints d’allemandes, obligé de travailler en usine, c’est en s’arrachant à la fatigue au milieu de la nuit qu’il consignait dans son journal des observations sur cette langue corrompue qu’il a nommé LTI (Linga Tertii Imperii). A ce journal, il se tenait comme à un balancier. Voir aussi de « McCann sur le funambule et « Klemperer sur la langue nazie


« Un jeune garçon qui est au cirque avec son père lui demande : Papa, que fait le monsieur sur la corde avec le bâton ?  —Gros nigaud, c’est un balancier auquel il se tient. — Oh la la ! Papa, et s’il le laissait tomber ? —Gros Nigaud, puisque je te dis qu’il le tient ! » (p33-34)

« Mon journal était dans ces années-là, à tout moment, le balancier sans lequel je serais cent fois tombé. Aux heures de dégoût et de désespoir, dans le vide infini d’un travail d’usine des plus mécaniques, au chevet de malades ou de mourants, sur des tombes, dans la gêne et dans des moments d’extrême humiliation, avec un coeur physiquement défaillant, toujours m’a aidé cette injonction que je me faisais à moi-même : observe, étudie, grave dans ta mémoire ce qui arrive (…), retiens la manière dont cela se manifeste et agit. Et, très vite ensuite, cette exhortation à me placer au-dessus de la mêlée et à garder ma liberté intérieure se cristallisa en cette formule secrète toujours efficace : LTI, LTI ! » (p34)

Source : Victor Klemperer, LTI, langue du IIIè Reich, Pocket, 2013. Pages 33 et 34.

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Appelfeld sur vie et mort

Branche jambes

« Au seuil de la mort, un homme recousait encore ses boutons. »

Ces citations d’Aharon Appelfeld montrent que la vitalité humaine a ceci de paradoxal qu’elle peut pousser à vouloir continuer la vie comme si de rien n’était, alors que notre monde s’effondre et que la mort est proche.  Et que ce n’est que quand le danger passe, s’il passe, qu’elle s’essouffle et que l’on se met à dormir sa vie. Voir aussi « Tchekhov sur l’aveuglement« .

« La guerre nous a appris, à notre étonnement, que la vie la plus atroce n’en était pas moins la vie. Dans les ghettos et dans les camps, les gens s’aimèrent, chantèrent des chansons sentimentales, débattirent des programmes des partis politiques. Il y avait des cours du soir pour apprendre le français et, l’après-midi, les gens prenaient le café —s’ils en avaient. Au seuil de la mort, un homme recousait encore ses boutons. Et point n’est besoin de rappeler que les enfants jouaient. Plus proche était la mort, plus grand était le refus d’admettre son existence. » (p.59)

« Après la guerre, quand les ailes de la mort se furent repliées, le sens de la vie perdit soudainement son pouvoir et son objet. La tristesse, comme un couvercle de fer, tomba sur ceux qui restaient et les enferma. La réalité que, dans les années de guerre, nul ne pouvait ou ne voulait voir, apparaissait à présent dans toute sa brutalité : plus rien ne restait que vous-même (…) Je me souviens de gens que la tristesse fit tomber, avec un soupir, dans un sommeil dont ils ne réveillèrent pas. Le désir de dormir était épouvantable, et tangible. » (p.61)

Source : Aharon Appelfeld, L’héritage nu, Editions de l’Olivier. Pages 59 et 61.

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Tocqueville sur l’individualisme

« L’individualisme est d’origine démocratique, et il menace de se développer à mesure que les conditions s’égalisent… »

Dans une langue magnifique dont sourd encore l’esprit des lumières, des « traces » fort anciennes d’une préoccupation qui résonne très fort aujourd’hui. Quels rapports entre individualisme et démocratie ? Entre individualisme et égoïsme ? Des citations sur les réponses de Tocqueville dans son analyse de la démocratie américaine.

 « J’ai fait voir comment, dans les siècles d’égalité, chaque homme, cherchait en lui- même ses croyances. Je veux montrer comment, dans les mêmes siècles, il tourne tous ses sentiments vers lui seul.

L’individualisme est une expression récente qu’une idée nouvelle fait naître. Nos pères ne connaissaient que l’égoïsme.

L’égoïsme est un amour passionné et exagéré de soi-même, qui porte l’homme à ne rien rapporter qu’à lui seul et à se préférer à tout.

L’individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart de sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s’être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à ellemême.

L’égoïsme naît d’un instinct aveugle; l’individualisme procède d’un jugement erroné plutôt que d’un sentiment dépravé. Il prend sa source dans les défauts de l’esprit autant que dans les vices du cœur.

L’égoïsme dessèche le germe de toutes les vertus, l’individualisme ne tarit d’abord que la source des vertus publiques ; mais, à la longue, il attaque et détruit toutes les autres et va enfin s’absorber dans l’égoïsme.

L’égoïsme est un vice aussi ancien que le monde. Il n’appartient guère plus à une forme de société qu’à une autre.

L’individualisme est d’origine démocratique, et il menace de se développer à mesure que les conditions s’égalisent. » (p.125) .

« Chaque classe venant à se rapprocher des autres et à s’y mêler, ses membres deviennent indifférents et comme étrangers entre eux. L’aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi ; la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part.

A mesure que les conditions s’égalisent, il se rencontre un plus grand nombre d’individus qui, n’étant plus assez riches ni assez puissants pour exercer une grande influence sur le sort de leurs semblables, ont acquis cependant ou ont conservé assez de lumières et de biens pour pouvoir se suffire à eux-mêmes. Ceux-là ne doivent rien à personne, ils n’attendent pour ainsi dire rien de personne; ils s’habituent à se considérer toujours isolément, ils se figurent volontiers que leur destinée tout entière est entre leurs mains.

Ainsi, non seulement le démocratie fait oublier à chaque homme ses aïeux mais elle lui cache ses descendants et le sépare de ses contemporains ; elle le ramène sans cesse vers lui seul et menace de le renfermer enfin tout entier dans la solitude de son propre cœur. » (p.126-127)

Source : Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Tome Il, GF-Flammarion, 1981. Pages 125 à 127.

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Manguel sobre lectura silenciosa

 « Pero la lectura silenciosa trajo consigo otro peligro (…) Un libro que puede leerse en privado, sobre el que se reflexiona a medida que el ojo desentraña el significado de las palabras, no está ya sujeto a inmediata aclaración o asesoramiento (…) »

Según Alberto Manguel, la lectura silenciosa sólo se generalizó en el siglo X. Antes, la lectura se hacía normalmente en voz alta y en grupo. Una evolución ligada al aparecimiento de reglas de puntuación, gracias a las cuales el sonido ya no es necesario para distinguir las palabras. A su vez, la lectura silenciosa favore el pensamiento individual del lector, ya no más sometido a la tutela de quienes se pretenden detentores del saber. Ver también « Manguel sobre lectura y mundo » ; acercamiento posible con « Macé sur lecture et vie » y con « Ouaknin sur la lecture« .

« La antigua escritura sobre pergaminos -que ni separaba las palabras ni distinguía entre minúsculas y mayúsculas ni utilizaba puntuación- estaba destinada a personas acostumbradas a leer en voz alta, que permitían al oído desentrañar lo que sólo era para el ojo una sucesión ininterrumpida de signos. » (p.107)

« La separación de las letras en palabras y frases se produjo de manera muy gradual. La mayoría de los sistemas primitivos —los jeroglíficos egipcios, la escritura cuneiforme sumeria, el sánscrito— no utilizaban tales divisiones. » (p.109)

« En el siglo IX la lectura silenciosa era probablemente lo bastante habitual como para que los escribas o copistas, para simplificar el uso de un texto, empezaran a separar cada palabra de sus entrometidas vecinas (…) Hacia la misma época, los escribas irlandeses (…) empezaron a aislar no sólo partes del discurso, sino también los componentes gramaticales de una frase e introdujeron muchos de los signos de puntuación que utilizamos hoy en día. » (p.110)

« (…) por medio de la lectura silenciosa el lector era por fin capaz de establecer una relación sin restricciones con el libro y las palabras. Estas últimas  no necesitaban ya ocupar el tiempo requerido para pronunciarlas. Podían existir en un espacio interior (…) mientras los pensamientos del lector las inspeccionaban con calma, sacando de ellas nuevas ideas (…) (p.113)

« A algunos dogmáticos les inquietó la nueva tendencia; para ellos la lectura silenciosa permitía soñar despierto, creando el peligro de la acidia, el pecado de la pereza, « mortandad que devasta en pleno día. » {ver Giannini sobre el aburrimiento} « Pero la lectura silenciosa trajo consigo otro peligro (…) Un libro que puede leerse en privado, sobre el que se reflexiona a medida que el ojo desentraña el significado de las palabras, no está ya sujeto a inmediata aclaración o asesoramiento, ni a condena o censura por parte de un oyente. » (p.113-114)

Fuente : Alberto Manguel, Una historia de la lectura, Alianza editorial, 2013 (1998).

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Mao Zedong sur la famine

« Quand il y a la famine tout le monde peut mourir. C’est pourquoi il vaut mieux laisser une moitié de la population mourir afin que l’autre puisse manger à sa faim. »

Mao Zedong, discours devant le Comité Central du Parti Communiste de Chine, le 25 mars 1959.

 

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On trouve cette citation de Mao Zedong dans l’enquête de Phillipe Grangereau, Le grand mensonge, publiée par la Revue XXI, n° 17, Hiver 2012.

Liée à la collectivisation forcée de l’agriculture et à la perversité du système politico-bureaucratique, cette famine a fait en Chine entre trente six et cinquante cinq millions de morts en 1958-62. Les rares denrées étaient réservées aux cadres du Parti Communiste et aux populations urbaines. Cette famine politique, ou « faite par l’homme », rappelle celle de l’URSS en 1932-33 (voir « Vassili Grossman sur la famine en URSS » et « Cholokhov sur la famine en URSS« , ainsi que les réflexions qui s’y attachent).

Phillipe Grangereau présente aussi le témoignage du chercheur chinois Yang Jisheng :

« Bouleversé, il découvre qu’au pire de la famine en janvier et février 1959, les greniers de l’Etat sont pleins : « il y avait encore en réserve six millions cinq cent quarante cinq mille tonnes de céréales », dit-il avec colère. Il ne comprend pas : « A travers tout le pays la population campait autour des greniers à céréales. Les gens criaient et imploraient : parti communiste donne-nous un peu de nourriture. Ils suppliaient à l’entrée des silos à grains, jusqu’à ce que la faim les achève. C’est inimaginable ». Il vibre de rage : « les empereurs des dynasties ouvraient les réserves et les distribuaient à la population en cas de catastrophe ou de pénuries. Mais la direction du Parti Communiste, qui prétendait servir le peuple, a refusé de secourir la population…… »

Source : Phillipe Grangereau, Le grand mensonge, enquête Revue XXI n° 17, Hiver 2012

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Onfray sur Freud et Mussolini

« La solution ne choquerait pas Mussolini : Freud pense en effet qu’il faut instruire une élite pour diriger les masses. »

Sculture et bras

Voici quelques citations de Michel Onfray au sujet de l’échange entre Einstein et Freud sur la suppression des guerres, où il cherche à montrer que, contrairement à Einstein, Freud n’était pas un vrai pacifiste, et qu’il penchait vers des solutions qui n’auraient pas choqué Mussolini. Dans les extraits ci-après, qui contiennent la phrase mise en exergue, il donne sa version personnelle de la réponse de Freud à Einstein sur la possibilité d’arrêter les guerres.

(Voir aussi le commentaire proposé à la fin, ainsi que : « Einstein sur la guerre » ; « Freud sur la guerre » ; « Roudinesco sur Freud et Mussolini » ).

Voici les propos de Michel Onfray : 

« Mais la réponse arrive en fin de lettre :  » Pourquoi nous indignons-nous tant contre la guerre, vous et moi et tant d’autres, pourquoi ne l’acceptons-nous pas comme telle autre des nombreuses et cruelles nécessités de la vie ? Elle semble pourtant conforme à la nature, biologiquement bien fondée pratiquement à peine évitable » (Freud, Œuvres Complètes XIX. 79). Et puis encore : « La question est de savoir si la communauté ne doit pas avoir également un droit sur la vie de l’individu ; on ne peut pas condamner toutes les espèces de guerre au même degré ; tant qu’il y a des nations et des empires qui sont prêts sans aucun regard, à en anéantir d’autres, ces autres doivent être armées pour la guerre (Freud, ibid).

« Dès lors : la lucidité et le pragmatisme nous obligent à conclure que la guerre est une nécessité cruelle de la vie; qu’elle se trouve biologiquement fondée ; qu’elle est quasiment inévitable ; que la communauté a des droits sur les individus qui la constituent ; que toute guerre n’est pas mauvaise en soi ; qu’il faut l’accepter, que le désarmement est une utopie une chimère, qu’il faut être armé temps que d’autres le seront, c’est-à-dire toujours. Certes il faut vouloir la paix, désirer la fin de la guerre, éduquer, investir dans la culture qui éloigne de l’agressivité, mais qui éduquerait et comment ? La solution ne choquerait pas Mussolini : Freud pense en effet qu’il faut instruire une élite pour diriger les masses. Voilà la solution à apporter au problème de la guerre : un élitisme aristocratique à fin d’éduquer les masses au renoncement pulsionnel. » (p.533-534)

Michel Onfray : Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne, Le Livre de Poche, 2013. Pages 533-534.

COMMENTAIRE

Dans les propos précédents d’Onfray, les citations extraites de la lettre de Freud à Einstein sont tronquées, ce qui, dès lors, en déforme la pensée. Nous reproduisons ici les citations complètes de Freud en indiquant les points de rupture imposés par Onfray.

//Début du propos de Freud// « Pourquoi nous indignons-nous tant contre la guerre, vous et moi et tant d’autres, pourquoi ne l’acceptons-nous pas comme telle autre des nombreuses et cruelles nécessités de la vie ? Elle semble pourtant conforme à la nature, biologiquement bien fondée, pratiquement à peine évitable //coupure par Onfray//. Ne soyez pas épouvanté de me voir poser cette question. Pour mener à bien une investigation, on peut peut-être prendre le masque d’une supériorité dont on ne dispose pas en réalité. La réponse sera : parce que tout homme a un droit sur sa propre vie, parce que la guerre anéantit des vies humaines pleines d’espérance, qu’elle met l’individu humain dans des situations qui l’avilissent, qu’elle le contraint à commettre le meurtre sur d’autres, ce qu’il ne veut pas, qu’elle détruit de précieuses valeurs matérielles, résultat du travail des hommes, et autres choses encore. » (Freud, Œuvres Complètes t.XIX. p.79).

//Début du propos de Freud// « Tout cela est vrai et semble tellement incontestable qu’on s’étonne seulement que la pratique de la guerre n’ait pas été rejetée par un accord général entre les hommes. On peut certes discuter sur tel ou tel de ces points. //Début de citation par Onfray// La question est de savoir si la communauté ne doit pas avoir également un droit sur la vie de l’individu ; on ne peut pas condamner toutes les espèces de guerre au même degré ; tant qu’il y a des nations et des empires qui sont prêts sans aucun regard, à en anéantir d’autres, ces autres doivent être armées pour la guerre //coupure par Onfray//. Mais passons rapidement sur tout cela ; ce n’est pas la discussion à laquelle vous m’avez invité. J’ai quelque chose d’autre en vue : je crois que la raison majeure pour laquelle nous nous indignons est que nous ne pouvons pas faire autrement. Nous sommes des pacifistes, parce que, pour des raisons organiques, nous ne pouvons pas ne pas l’être. » (Freud, Œuvres Complètes t.XIX. p.80)

La façon dont Onfray interprète les propos de Freud peut aussi poser problème. Comparons :

-Onfray : « La solution ne choquerait pas Mussolini : Freud pense en effet qu’il faut instruire une élite pour diriger les masses. Voilà la solution à apporter au problème de la guerre : un élitisme aristocratique à fin d’éduquer les masses au renoncement pulsionnel. » (Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne, Le Livre de Poche, 2013, p.533-534)

-Freud : « Partant de là, il faudrait consacrer davantage de soin qu’on ne l’a fait jusqu’ici pour éduquer une couche supérieure d’hommes pensant de façon autonome, inaccessibles à l’intimidation et luttant pour la vérité, auxquels reviendrait la direction des masses non autonomes. Que les empiétements des pouvoirs étatiques et l’interdit de pensée venant de l’Eglise ne soient pas favorables à ce que l’on élève ainsi les hommes, n’a nul besoin de démonstration. » (Freud, Œuvres Complètes t.XIX. p.79)

Pour finir, voici la conclusion de Freud, qui affirme sa conviction pacifiste et qui est loin d’être une fermeture à la possibilité de suppression de la guerre :

« Combien de temps nous faut-il encore attendre avant que les autres aussi deviennent pacifistes ? On ne saurait le dire, mais peut être n’est-il pas utopique d’espérer que l’influence de ces deux facteurs, la position culturelle et l’angoisse justifiée devant les effets d’une guerre future, mettra fin à la pratique de la guerre dans un avenir à portée de vue. Par quelles voies directes ou détournées, nous ne pouvons pas le deviner. En attendant, il nous est permis de nous dire : tout ce qui promeut le développement culturel travaille du même coup contre la guerre. » (Freud, Œuvres Complètes t.XIX. p.81).

Tout cela était écrit en 1932. C’est donc malheureusement une question sur laquelle Freud semble s’être trompé, mais qu’Onfray ne pouvait relever sans contredire sa thèse d’un Freud non pacifiste.

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Roudinesco sur Freud et Mussolini

En 1933 l’analyste Eduardo Weiss arrive de Rome avec une de ces patientes, pour solliciter à Freud de l’aide dans cette cure qui s’avère difficile. La patiente était accompagnée de son père Giovacchino Forzano, un proche de Mussolini, avec qui il avait écrit une pièce de théâtre sur Napoléon. Des extraits de travail d’Elisabeth Roudinesco su Freud rendent compte ici de cet épisode.

En rapport à ses extraits , voir aussi « Freud sur la guerre » et « Onfray sur Freud et Mussolini« .

 

« Pour séduire Freud, à qui il confiait le destin de sa fille, Forzano apporta à la Bergasse l’édition allemande de l’ouvrage. Sur le frontispice, il avait rédigé une dédicace au nom des deux auteurs : « Á S.F. qui rendra le monde meilleur, avec admiration et reconnaissance. » Et c’est pour cette raison qu’il demanda à Herr Professor de lui donner à son tour une photo et un livre de lui accompagné d’une mention autographe pour Mussolini. Soucieux de protéger Weiss, qui organisait le mouvement psychanalytique et venait de faire paraître la première livraison de la Rivista italiana di psicoanalisi, Freud alla chercher dans sa bibliothèque un exemplaire de « Pourquoi la guerre ? » et rédigea un texte appelé à susciter de violentes polémiques : « Pour Benito Mussolini avec les humbles salutations d’un vieil homme qui reconnaît dans l’homme de pouvoir un champion de la culture. » (p.445-446)

« Protecteur de la psychanalyse, Forzano, liée à Weiss, n’obtint en fait aucun soutien de la part de Mussolini, qui n’avait pas la moindre intention de s’opposer à l’Église catholique. Et d’ailleurs (…) le dictateur denonça la psychanalyse comme une « fraude orchestrée par un Pontifex Maximus ». Au point que (…) Weiss ne put empêcher les services de la Propagande de suspendre la parution de la Rivista. Pire encore, la diplomatie fasciste commanda une ridicule enquête sur les activités de la WPV destinée à prouver que Sigismond (sic) Freud entretenait des relations suspectes avec le penseur anarchiste Camillo Berneri et que ses disciples se livraient à des opérations mercantiles soutenues par les socialistes et les communistes. » (p.446-447).

« Il faut être bien ignorant de l’histoire pour penser que Freud aurait été fasciste comme ne manque pas de l’affirmer Michel Onfray dans son brûlot « Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne« , Paris, Grasset, 2010, pages 504-533 et 590-591. Onfray n’a consulté ni les archives de la Library of Congress ni les correspondances de Freud et de Weiss à ce sujet. » (note 2, p.446).

Source : Elisabeth Roudinesco, Sigmund Freud en son temps et dans le notre, Seuil, 2014. Pages 445 à 447.

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Freud sur la guerre

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« (…) je voudrais m’attarder encore un instant sur la pulsion de destruction (…) cette pulsion travaille à l’intérieur de tout être vivant (…) »

Extraits de la réponse faite par Freud à la lettre d’Albert Einstein concernant la possibilité de neutraliser les pulsions agressives qui mènent à la guerre. Il s’agit d’un échange épistolaire suscité et publié par la Société des Nations en 1933, sous le titre « Pourquoi la guerre ? « .

Cet ouvrage a été dédicacé par Freud à Mussolini. Tentative, semble-t-il, de protéger la psychanalyse dans l’Italie fasciste (voir « Roudinesco sur Freud et Mussolini« ) Vu le contenu du texte dédicacé, le choix de Freud ne semble pas avoir été le fruit du pur hasard.

Voir aussi « Onfray sur Freud et Mussolini« , Camus sur le suicide, Ricoeur sur violence, Hobbes sur sécurité et liberté, Freud sur liberté, sécurité et culture.


« Nous supposons que les pulsions de l’homme sont de deux espèces seulement, soit celles qui veulent conserver et réunir —nous les nommons érotiques (…) dans le sens de l’Eros dans le Banquet de Platon, ou sexuelles par une extension consciente du concept populaire de sexualité — et d’autres qui veulent détruire et mettre à mort (…) L’une de ces pulsions est tout aussi indispensable que l’autre, de l’action conjuguée et antagoniste des deux procèdent les phénomènes de la vie ». (p.75-76)

« Quand donc les hommes sont invités à faire la guerre, bon nombre de motifs en eux peuvent y répondre favorablement, nobles et communs, ceux dont on parle à haute voix, et d’autres que l’on passe sous silence (…) Le plaisir pris à l’agression et à la destruction compte certainement parmi eux ; d’innombrables cruautés relevant de l’histoire et du quotidien confirment leur existence et leur force. « (p.76-77)

« (…) je voudrais m’attarder encore un instant sur la pulsion de destruction (…) cette pulsion travaille à l’intérieur de tout être vivant, et a donc pour tendance de provoquer sa désagrégation (…) Elle mériterait en toute rigueur le nom de pulsion de mort, tandis que les pulsions érotiques représentent les aspirations à la vie. La pulsion de mort devient pulsion de destruction en étant retournée (…) vers l’extérieur, sur des objets. L’être humain préserve pour ainsi dire sa propre vie en détruisant une vie étrangère. Une part de la pulsion de mort reste active à l’intérieur de l’être vivant, et nous avons même commis l’hérésie d’expliquer l’apparition de notre conscience morale par un tel retournement de l’agression vers l’intérieur (…) il n’est pas si dénoué d’inconvénients que ce processus s’effectue à une trop grande échelle : cela est franchement malsain, alors même que le retournement de ces forces pulsionnelles vers la destruction dans le monde extérieur soulage l’être vivant et ne peut avoir qu’un effet bénéfique. Cela servirait de disculpation biologique à toutes les tendances haïssables et dangereuses contre lesquelles nous menons le combat. » (p.77)

« Du reste il ne s’agit pas (…) d’éliminer totalement le penchant à l’agressivité chez l’homme  ; on peut tenter de le dévier suffisamment pour qu’il n’ait pas à trouver son expression dans la guerre ». (p.78)

« (…) nous trouvons aisément une formule indiquant les voies indirectes pour combattre la guerre. Si la complaisance à la guerre est une émanation de la pulsion de destruction, on est tenté d’invoquer contre elle l’antagoniste de cette pulsion, l’Eros. Tout ce qui instaure des liaisons de sentiment parmi les hommes ne peut qu’agir contre la guerre (…) Premièrement des relations comme celles avec un objet d’amour, quoique sans buts sexuels. L’autre espèce de relation de sentiment est la liaison par identification. Tout ce qui instaure parmi les hommes des intérêts communs significatifs suscite de tels sentiments communautaires, des identifications. Sur eux repose pour une bonne partie l’édifice de la société humaine » (p.78-79)

« Je vous salue cordialement et si mon exposé vous a déçu, je vous demande pardon. »(p.81)

Source : Lettre de Freud à Einstein, in Sigmund Freud « Oeuvres complètes« , t.XIX, Presses Universitaires de France, 2004. Pages 75 à 79.

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